[3 ] Le sens de la Segyehwa ou du concept de globalisation
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Quand j'ai quitté Séoul en septembre 1996, tout le monde
parlait de la Segyehwa, mais personne ne savait exactement ce que c'était et
chacun lui donnait la définition qui l'arrangeait. Rappelons juste que le slogan
a été lancé en novembre 1994 par le président Kim Young-Sam qui
avait déclaré que la Corée devait rejoindre le mouvement de globalisation
si elle voulait poursuivre son développement économique. L'idée au
départ est donc très commerciale.
"La segyehwa est
une notion économique, culturelle et relationnelle."
Personnellement, j'aurais une définition plus large de la globalisation :
il ne s'agit pas d'accepter tout ce qui vient de l'étranger et de le considérer
comme supérieur; il s'agit encore moins de renier sa propre culture et ses propres
traditions. Mais il s'agit d'aller à la rencontre du monde -de sa culture et
de ses habitants - dans un esprit d'ouverture et de tolérance, en se disant
que les autres pays peuvent vous apprendre beaucoup, et que vous pouvez aussi leur
apprendre beaucoup, en acceptant que certaines choses soient mieux à l'étranger
que chez soi , mais que le contraire est aussi vrai: certaines choses sont mieux
chez soit qu'à l'étranger... Il s'agit donc d'aller à la rencontre
des autres en acceptant que votre pays, votre culture, votre façon de vivre
et de penser ne soient pas par définition supérieurs. Ainsi la segyehwa
est une notion à la fois économique, culturelle, relationnelle... La Corée
a-t-elle rejoint le mouvement de globalisation défini ainsi ? Oui et non.
Il est certain que la Corée n'est plus le Royaume ermite, comme on surnommait
le pays autrefois. De plus en plus de multinationales sont présentes dans la
Péninsule. De plus en plus d'étrangers y vivent, ce qui offre l'occasion
aux Coréens d'échanger des idées avec eux. De plus en plus de Coréens
parlent anglais. Partout dans la rue, on voit la marque de l'internationalisation,
par les publicités, les fast-foods... Les produits importés rencontrent
un succès croissant. Surtout, les Coréens voyagent de plus en plus à
l'étranger, découvrant d'autres cultures et d'autres façons de vivre.
"Dans les esprits,
c'est toujours la Corée ET le monde, et non pas la Corée DANS le monde."
Cependant tous ces changements ne doivent pas faire illusion.
Le décor change plus vite que les mentalités. Dans les esprits, c'est toujours
la Corée ET le monde, et non pas la Corée DANS le monde. On peut donner
ici plusieurs exemples. Les hommes politiques déclarent souvent que la globalisation
a pour but premier de permettre aux entreprises coréennes de remporter de nouveaux
marchés, ce qui est une vision très nationaliste de la globalisation. Les
partis politiques n'ont pas de programmes en politique étrangère. La population
a souvent une faible connaissance des grands dossiers internationaux et ne s'y intéressent
guère; je ne dis pas que les Coréens sont les seuls ainsi, mais c'est un
constat.