[ 4 ] Le Monde, les étrangers et la Corée
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"Le monde est vu
comme une entité qui peut apporter des avantages, mais ne doit pas imposer des
contraintes."
Au-delà de la mauvaise connaissance de ce qui se passe à l'étranger,
les relations entre la Corée et le reste du monde restent difficiles. Le pays
a du mal à accepter la réciprocité à la base de relations internationales
équilibrées. Quand la Corée exporte 700.000 voitures, c'est normal.
Mais si elle en importe 6000, soit 116 fois moins, c'est une invasion. Le monde est
donc vu comme une entité qui peut apporter des avantages, mais ne doit pas imposer
des contraintes. Les Coréens cultivent aussi un sentiment d'exception qui rendrait
leur pays hermétique aux autres, c'est-à-dire qu'ils pensent souvent que
leur pays est très différent des autres, et donc qu'un étranger ne
pourra jamais vraiment le comprendre.
Ce qui est complexe, c'est que les Coréens aimeraient que l'on connaisse mieux
leur pays. Mais ils veulent être connus sans être critiqués; ils veulent
qu'on les aime, mais ne peuvent pas être compris. Difficile !
Une vraie globalisation exige aussi de reconnaître que les pays étrangers
vous apportent quelque chose, sur le plan technologique par exemple. Ce qui n'est
pas toujours facile, car l'admettre serait reconnaître que votre pays est moins
performant. Pourtant bénéficier de transferts de technologies n'est pas
un problème; tous les pays en bénéficient; le problème est de
ne pas le reconnaître.
"Beaucoup de
Coréens ne comprennent pas qu'aimer un autre pays ne signifie pas moins aimer
le sien."
L'important en ce qui concerne la globalisation est de comprendre qu'elle concerne
chaque citoyen. C'est pourquoi je voudrais vous citer une déclaration que m'a
faite lors d'une interview un haut-fonctionnaire du ministère des Finances:
"Beaucoup de Coréens pensent que la mondialisation n'est qu'un élément
de la politique économique du gouvernement. Ils ne comprennent pas que cela
suppose un changement de mentalité de chacun, à savoir admettre que nous
ne sommes pas les seuls au monde, que notre mentalité n'est pas par définition
la meilleure, que la façon de vivre et de penser des autres est parfaitement
respectable. En un mot, remettre en cause notre nationalisme excessif. Mais cela
sera difficile compte tenu de notre passé et de notre éducation. Beaucoup
de Coréens ne comprennent pas qu'aimer un autre pays ne signifie pas moins aimer
le sien". Ce dernier point est fondamental: j'ai souvent l'impression que, pour
les Coréens, aimer un autre pays, c'est un peu trahir le sien. Ce qui n'est
pas vrai.
Reste que la Corée participe incontestablement au mouvement de globalisation.
Hélas la crise économique a un peu réveillé les vieux démons
du nationalisme. Le premier réflexe, à l'annonce de cette crise, a été
de blâmer l'autre: le FMI, les Etats-Unis... Les pompistes refusaient de servir
de l'essence aux conducteurs de voitures étrangères, et les consommateurs
n'osaient pas acheter des produits importés. Certes, après quelques
semaines, les gens ont fait la part des choses et reconnu que les chaebols souvent
mal gérés, que les tares du système financier étaient aussi responsables
de la crise. Mais ces premiers réflexes sont symptomatiques de ce que la segyehwa
n'est pas encore rentrée dans les moeurs.