KOO Hee-sue
Directrice du Centre Coréen de l'Association Internationale des Critiques de Théâtre
La danse coréenne a des caractéristiques propres qui la distinguent nettement de celle des pays voisins. On a tendance à penser, pour des raisons géographiques, que Chine, japon et Corée forment une même entité culturelle. Ces trois pays ont en partage, bien entendu, le bouddhisme et le confucianisme, et ont connu, tout au long de leur histoire, des échanges d'une grande richesse. Toutefois, chacun a sa personnalité. Et la danse est peut-être le domaine où les différences sont les plus visibles.
La danse est citée dans la chronique la plus ancienne que nous possédons de l'histoire de Corée. Elle est mentionnée dans un passage qui traite du peuple coréen, du nom du royaume et des rites destinés à célébrer le Ciel. Ces cérémonies prévoyaient toujours des chants et des danses.
Muchon, Yonggo, Tongmaeng, Sodo, Hwarang, PaIkwanhoe, Rites du printemps et de l'automne, ces cérémonies ont connu bien des noms divers selon les dynasties. Ce qui atteste qu'à travers les âges, les Coréens ont toujours aimé danser et se laisser prendre au rythme de la musique. Les pays voisins ont souvent noté, dans leurs annales, que les Coréens excellaient en matière de musique et de danse, ce dont eux-mêmes ne manquaient pas de tirer fierté.
La danse trouvait place aussi bien dans les cérémonies religieuses que dans les festivités données à l'occasion des fêtes nationales . Les jeux populaires et les fêtes régulières du calendrier étaient autant d'occasions de danser. L'introduction, au siècle dernier, de la notion d'arts de la scène à l'occidentale, est venue donner un second souffle à la danse traditionnelle.
En Corée aujourd'hui, le ballet et la danse contemporaine se partagent la scène avec la danse traditionnelle. Cette dernière, de plus, n'est pas un genre figé qui se contenterait de reproduire des chorégraphies anciennes, elle continue d'inventer dans la lignée de la tradition, et offre à la danse contemporaine une généreuse matière à inspiration.
L'arrière-plan philosophique sur lequel s'appuie la danse traditionnelle est l'harmonie entre les trois constituants de l'univers que sont, dans la pensée orientale, le Ciel, la Terre et l'Homme. Il convient de capter l'énergie qui émane du Ciel et de la Terre et de se l'approprier dans le but de mettre le corps humain en harmonie avec les éléments. C'est pourquoi les danseurs accordent tant d'importance à la synchronisation de la respiration avec le rythme. Les bras haut levés et les genoux fléchis adaptent leur lente cadence au rythme de la respiration tout en maintenant le corps dans une tension où les forces s'équilibrent. L'énergie vitale se rassemble au centre de gravité du corps, puis se libère en phase avec la respiration.
Dans les danses bouddhiques ou folkloriques, rythme et respiration s'harmonisent au point de se confondre tout à fait, tandis que dans les danses de cour ou de cérémonies rituelles, cette rencontre s'opère de façon plus soulignée, plus majestueuse.
L'influx induit par la respiration prend sa source au centre du corps et s'écoule jusqu'au bout des doigts, les pieds étant le socle sur lequel s'établit l'équilibre. Dans les danses des pays voisins, mains et pieds se voient assigner des fonctions différentes.
La fonction de la respiration naturelle, l'énergie puisée dans la respiration et l'influx généré par cette énergie sont en même temps ce qui distingue la danse coréenne et ce qui lui confère une dimension universelle.